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Auprès des professionnels du droit, de manière générale, mais aussi auprès du public, dans la plupart des systèmes juridiques d’inspiration francophone, l’huissier de justice reste un acteur majeur dont les actes, de valeur quasi sacramentelle, déterminent l’introduction des procédures, l’instruction de celles-ci dans une certaine mesure, et l’exécution des décisions qui sont rendues. Hors contentieux étatique, l’huissier de justice est également un professionnel dont le ministère peut constituer un recours de qualité, que ce soit dans le cadre des modes alternatifs de règlement des différends, ou hors tout différends, lorsqu’il faut établir des actes dont ce professionnel est un témoin ou un rédacteur averti.

Si, dans chaque État, la corporation est organisée en chambres (ordres), régies par les dispositions internes, disposant de ses attributions et de son calendrier en matière d’acquisition de compétences professionnelles, l’expérience des rencontres et de l’ouverture à l’international a déjà démontré que celles-ci sont utiles, tant dans l’aménagement de la qualité de la mission accomplie au profit des citoyens que dans la gestion de la profession elle-même. Ces rencontres ont même une fonction anticipative et prospective, et permettent aux chambres et à leurs membres de confronter leurs réflexions sur leur profession.

C’est en ce sens que, dans la lignée des cinq précédentes éditions et pour assurer la capitalisation des acquis, l’Union internationale des huissiers de justice organise avec la Chambre nationale des huissiers de justice du Bénin les 6es Rencontres Afrique Europe des Huissiers de Justice, sur le thème : « L’huissier de justice à l’ère de la digitalisation. »

La digitalisation est, de manière courante, définie comme le procédé qui vise à transformer un objet, un outil, un process ou un métier en un code informatique afin de le remplacer et le rendre plus performant. C’est une expression technique, qui prend naissance aux débuts d’internet et qui ne cesse de se perfectionner, le courrier étant remplacé par les emails, les rencontres physiques par les salons et forums web, les magasins par des sites e-commerce, etc. Il s’agit d’un véritable phénomène qui n’inclut pas seulement les services, mais qui s’étend à l’ordinaire de la vie, donc nécessairement à l’administration, au fonctionnement des institutions, au droit, aux professions et, pour ce qui est en cause, aux professions judiciaires. C’est qu’en fait, la révolution numérique bouleverse tous les aspects de la vie en société.

Au titre de l’administration et des professions judiciaires, ce sont les règles liées à l’accessibilité du service public et celui de la justice qui, entre autres, ont déterminé ces structures à entrer dans le phénomène de la digitalisation. Si la justice prédictive n’est pas tout à fait aboutie et n’a pas encore fait l’objet d’un choix clair de la part des pouvoirs publics, le numérique n’en finit pas de bouleverser la justice. Les juridictions étatiques et internationales ont alors engagé très tôt leur visibilité et leurs modes de présence en ligne, qui ne pouvaient manquer d’impliquer huissiers de justice, notaires, commissaires-priseurs, avocats et d’autres professionnels du droit, notamment ceux qui sont auxiliaires de la justice.

Ainsi que présentés, ces processus ont pour objectif non seulement de remplacer les méthodes traditionnelles de fonctionnement, mais aussi de les performer. C’est alors que se pose, de manière générale, la question du remplacement des professions par des robots ou des applications. La magistrature en est menacée, les avocats en sont menacés, d’ailleurs de manière plus insistante par l’émergence des Legaltech et autres plateformes en ligne de services juridiques, avec des fortunes diverses.

Au regard des missions et de l’activité de l’huissier de justice, se pose la question essentielle de la redéfinition de cette profession à l’ère de la digitalisation. Autrement, il est essentiel de s’interroger sur l’avenir de la profession à l’ère de la digitalisation.

L’on peut se rendre compte qu’il n’y a aucune évidence. En effet, les paramètres sont évolutifs et de nombreuses préoccupations surgissent. Ainsi, on peut s’interroger par exemple sur les points ci-après : faut-il encore recourir à un huissier de justice pour effectuer un constat, alors que la preuve peut être rapportée par une capture d’écran ? L’assignation est-elle encore utile alors que le justiciable peut saisir son juge à partir d’un ordinateur ou de son téléphone ? Une notification est-elle nécessaire lorsqu’un courriel de la juridiction permet de s’assurer la transmission effective de l’information en temps réel et d’en conserver les traces ? L’huissier de justice peut-il exécuter une décision de justice dans l’espace numérique ?

De même, une nécessaire cohérence entre les nouveaux espaces et défis des attributions doit être faite avec les modalités de l’exercice de la profession. Il est en effet tout à fait illusoire de concevoir un exercice entièrement classique de la profession qui serait harmonieux avec la digitalisation de la société telle que présentée. C’est pourquoi la digitalisation des études et la mise en place des Legaltech deviennent une nécessité professionnelle incontournable.

Il semble que ce n’est qu’en contribuant à permettre aux huissiers de justice participants au congrès d’avoir une meilleure connaissance du défi digital de leur profession que ces 6es Rencontres Afrique Europe des huissiers de justice leur donneront l’occasion de prendre le recul nécessaire pour la profession, afin de se réinventer et de demeurer des professionnels et auxiliaires de justice avertis, jouant pleinement leur rôle primordial qui consiste non seulement à leur offrir l’accès au droit et à la justice, mais également la consommation des droits et des décisions de justice, tout en se ménageant une intervention dans tous les espaces professionnels ouverts à la profession.

Le programme tient compte des questions évoquées afin que les rencontres soient un cadre de réflexion et d’échanges approfondis devant permettre à chacun des participants et aux organes et structures professionnels de prendre les décisions qui s’imposent.

Enfin, le programme post-rencontres culturel du 25 juin 2022 vous propose une visite touristique à Ouidah, à 42 kilomètres de Cotonou, du Fort Portugais et de l’exposition : « Art du Bénin d’hier et d’aujourd’hui : de la Restitution à la Révélation », suivie d’un déjeuner.