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Participation de l’UIHJ à la réunion virtuelle plénière ad hoc de la CEPEJ du 10 juin 2020 sur la crise du Covid-19.

Mathieu Chardon, 1er vice-président de l’UIHJ, et Patrick Gielen, conseiller du président de l’UIHJ, ont participé le 10 juin 2020 à la réunion virtuelle extraordinaire de la CEPEJ sur les impacts et leçons de la crise du Covid-19 au regard de l’efficacité de l’efficacité de la justice et du fonctionnement des systèmes judiciaires.

 

Cette réunion plénière ad hoc de la Commission européenne pour l’efficacité de la justice du Conseil de l’Europe a été organisée dans le cadre de la présidence grecque et a visé à « répondre efficacement à une crise sanitaire dans le plein respect des droits de l’homme et des principes de la démocratie et de l’État de droit ».

En raison de la crise du Covid-19, cette réunion extraordinaire s’est tenue en visioconférence. Elle a été ouverte par Marija Pejcinovic Buric, secrétaire générale du Conseil de l’Europe, et Ramin Gurbanov (Azerbaïdjan), président de la CEPEJ. Mme Pejcinovic Buric a constaté que, en dépit des circonstances, les Etats membres du Conseil de l’Europe ont fait des efforts considérables pour résoudre les litiges de manière équitable et dans un délai raisonnable, conformément aux normes du Conseil de l’Europe et en particulier à l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui garantit le droit à un procès équitable. Pour autant, dans certains cas, elle se demande si des mesures prises par les autorités ont pleinement préservé les droits fondamentaux de chacun – et l’Etat de droit en général, pour rappeler que le Council de l’Europe et la CEPEJ peuvent aider ces pays à se conformer aux standards européens.

La réunion s’est principalement intéressée aux conséquences de la crise du Covid-19 sur le service public de la justice et sur les leçons pour les systèmes judiciaire en 2021 et au-delà.

Les discussions ont conduit la CEPEJ à présenter un projet de déclaration sur les leçons et les défis pour le système judiciaire pendant et après la pandémie du Covid-19. Après discussions et propositions, dont celles de l’UIHJ concernant la profession d’huissier de justice, la déclaration a été adoptée. Son texte est reproduit ci-dessous.

 

Déclaration de la CEPEJ

Les leçons et défis pour le système judiciaire pendant et après la pandémie du Covid-19

La Commission européenne pour l’efficacité de la justice (CEPEJ) du Conseil de l’Europe soutient les Etats membres de l’Organisation dans l’amélioration de l’efficacité et la qualité de leurs systèmes judiciaires afin de s’assurer qu’ils agissent conformément aux normes du Conseil de l’Europe et répondent aux attentes de ceux qui font appel à la justice.

La pandémie du COVID-19 est une crise sanitaire entrainant des conséquences humaines et sociales graves, elle a également créé des défis pour les tribunaux et autorités judiciaires dans les Etats membres. Elle invite à réfléchir sur les mesures innovantes à mettre en œuvre dans les systèmes judiciaires.

En vue d’assurer le fonctionnement de leurs tribunaux, les États membres ont fait des efforts considérables pour s’adapter à brève échéance aux nouvelles circonstances et utiliser au mieux les ressources existantes. Poursuivant cette dynamique, ils doivent tirer les leçons de cette expérience.

La crise ne peut servir à excuser les défaillances au sein des systèmes judiciaires et encore moins à restreindre les normes ou à méconnaître les garanties juridiques.

Une telle crise sanitaire pourrait se reproduire. Les systèmes judiciaires doivent s’y préparer, notamment quand il s’agit de rechercher des solutions efficaces pour assurer la continuité du travail des tribunaux et l’accès à la justice tout en respectant les droits des individus.

Dans ce contexte, la CEPEJ souhaite rappeler aux Etats membres les principes importants suivants :

 

Principe 1 (Droits de l’Homme et État de droit)

Les principes de l’article 5 – droits à la liberté et à la sûreté garantis par un juge – et de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) – droit à un procès équitable – doivent être protégés à tout moment et deviennent particulièrement importants pendant la crise. Le fonctionnement continu du système judiciaire et des services fournis par les professionnels de la justice doit être assuré sur la base des standards européens. La confiance dans la justice doit perdurer même en période de crise.

Une crise nécessite une réponse immédiate et urgente. Toute réaction à la crise doit néanmoins être strictement fondée sur les principes de l’État de droit et respecter et protéger les droits de l’homme.

Les mesures d’urgence doivent respecter les principes de légalité, sécurité juridique et proportionnalité et doivent être constamment réévaluées. Les autorités judiciaires ainsi que les représentants des professionnels de la justice devraient, le cas échéant, être consultés sur la réglementation d’urgence. Toute mesure doit être limitée dans le temps et un contrôle judiciaire doit être possible en temps voulu.

 

Principe 2 (Accès à la justice)

En cas de pandémie, la fermeture des tribunaux peut être nécessaire pour protéger la santé et la sécurité des professionnels de la justice et des usagers des tribunaux. Elle devrait se faire de manière prudente et proportionnée dans la mesure où elle entraine une limitation importante de l’accès à la justice, principe fondamental de l’État de droit.

Le service public de la justice doit être maintenu dans la mesure du possible, notamment en assurant l’accès à la justice par des moyens alternatifs tels que les services en ligne ou en renforçant l’accès à l’information par les sites internet des tribunaux et d’autres moyens de communication (téléphone, courrier électronique, etc.).

Une meilleure consultation et coordination de tous les professionnels de la justice (y compris les avocats, les agents d’exécution, les médiateurs et les services sociaux) contribuera à garantir un bon niveau d’accès à la justice.

L’accès à la justice doit être assuré pour tous les usagers, mais en période de crise sanitaire, une attention particulière doit être portée aux groupes vulnérables encore plus susceptibles de souffrir de cette situation. Les systèmes judiciaires devraient ainsi traiter en priorité les affaires qui concernent ces groupes telles que les affaires de violence domestique, en particulier à l’égard des femmes ou des enfants, impliquant des personnes âgées ou des personnes handicapées ou concernant des situations économiques graves. Les vulnérabilités découlant de la crise devraient également être prises en compte.

 

Principe 3 (Sécurité des personnes)

Garantir la santé et la sécurité de tous les professionnels de la justice ainsi que des usagers dans les tribunaux doit être une priorité pendant et après la crise sanitaire. Des mesures de sécurité doivent être mises en place pour respecter la distanciation physique dans les bâtiments des tribunaux.

Toutes les mesures doivent être élaborées en concertation et clairement expliquées à toutes les personnes concernées, régulièrement évaluées et adaptées aux nouvelles circonstances. Elles peuvent nécessiter des investissements supplémentaires dans l’infrastructure des tribunaux.

Le télétravail devrait être possible pour tous les professionnels de la justice. Ils devraient pouvoir bénéficier du matériel informatique sécurisé nécessaire. Une attention particulière doit être accordée à leur bien-être pendant la durée du télétravail et notamment au fait qu’il s’agit de conditions de travail exceptionnelles pouvant nécessiter un soutien approprié.

 

Principe 4 (Suivi des affaires, qualité et performance)

Le bon fonctionnement des systèmes de gestion des affaires et des mécanismes de collecte de données statistiques concernant le fonctionnement des tribunaux est d’autant plus pertinent en cas de crise sanitaire.

Les présidents des tribunaux, les juges et les autorités responsables de la gestion des tribunaux devraient, en fonction de leurs responsabilités, continuer, même à distance, à suivre et gérer les affaires. Cela inclut un tri des affaires, une éventuelle priorisation et redistribution des affaires basées sur des critères objectifs et équitables et permettant d’assurer une justice de qualité.

Compte tenu du nombre d’affaires qui n’ont pu être traitées et des reports d’audience, des moyens humains et des mesures d’accompagnement budgétaires devraient aider les tribunaux à mettre en place un plan de résorption des retards.

Permettre une plus grande et flexible allocation des ressources au plus près des réalités locales pendant et après la crise est essentiel pour assurer le fonctionnement d’urgence des tribunaux et prévenir toute aggravation des difficultés existantes au sein des systèmes judiciaires.

 

Principe 5 (Cyberjustice)

Le recours aux technologies de l’information offre la possibilité au service public de la justice de continuer à fonctionner pendant la crise sanitaire. Leur essor soudain et leur utilisation excessive peuvent néanmoins avoir des conséquences négatives.

Les solutions informatiques telles que les services en ligne, les audiences à distance et les vidéoconférences ainsi que les développements futurs de la justice numérique doivent toujours respecter les droits fondamentaux et les principes du procès équitable.

Pour réduire les risques inhérents au déploiement des technologies de l’information, leur utilisation et leur accessibilité par tous les usagers doivent être encadrées par une base juridique claire. Une attention particulière doit être accordée aux groupes les plus vulnérables dans cette perspective.

L’impact de leur utilisation sur le service de la justice devrait être régulièrement évalué et des mesures correctives devraient être prises si nécessaire. Garantir la cybersécurité et la protection des données à caractère personnel doit être une priorité.

 

Principe 6 (Formation)

La formation est fondamentale pour pouvoir gérer efficacement une crise sanitaire future. La formation judiciaire devrait prendre en compte les besoins apparus dans l’urgence, y compris l’utilisation des technologies de l’information. De nouveaux programmes de formation devraient être élaborés pour aider les professionnels de la justice pendant et après une crise sanitaire.

La fermeture des tribunaux et les mesures de confinement mises en place peuvent permettre aux professionnels de la justice de consacrer plus de temps à la formation depuis leur domicile, dans un environnement sûr et sécurisé. Les instituts de formation devraient développer l’utilisation de plates formes de formation en ligne.

Les professionnels de la justice devraient pouvoir bénéficier d’une formation spécifique sur le travail à distance.

Une formation spécifique devrait également concerner les nouveaux types d’affaires découlant de la pandémie du COVID-19.

Les professionnels de la justice devraient être consultés par les instances compétentes sur ces besoins spécifiques en formation notamment par le biais d’enquêtes en ligne.

 

Principe 7 (Une justice tournée vers l’avenir)

La pandémie du COVID-19 a aussi été l’occasion d’introduire en urgence des pratiques innovantes.

Une stratégie de transformation du système judiciaire devrait être élaborée pour tirer parti des solutions nouvellement mises en œuvre. Certains aspects du fonctionnement traditionnel des tribunaux devraient être reconsidérés (relations avec les médias, niveau d’utilisation des nouvelles technologies, renforcement du recours aux modes alternatifs de résolution des différents et en particulier à la médiation).

La modernisation du système judiciaire devrait être abordée de manière positive, et toujours dans le respect des droits fondamentaux garantis par la CEDH. Il conviendrait également de poursuivre le dialogue nécessaire entre tous les acteurs de la justice et de tirer profit des nouvelles relations créées entre les juges, les procureurs, le personnel des tribunaux, les avocats, les agents d’exécution, les notaires, les médiateurs et les experts au moment de la crise sanitaire.

 

Conclusion

La CEPEJ a, au cours des 15 dernières années, développé sa méthodologie, des outils et des bonnes pratiques pour analyser et soutenir l’efficacité et la qualité des systèmes judiciaires. Ces outils peuvent s’avérer particulièrement utiles pendant et après la crise pour en tirer les enseignements – positifs et négatifs – dans le cadre de son processus d’évaluation au service des améliorations du fonctionnement de la justice.

Cette Déclaration de principes constitue la base d’une éventuelle nouvelle feuille de route de la CEPEJ pour fournir aux Etats membres des orientations en cas de crise ayant un impact sur le service public de la justice.