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L’UIHJ et la Chambre nationale des huissiers de justice du Congo ont organisé à Brazzaville du 12 au 14 juin 2019 les 5es Rencontres Afrique Europe des huissiers de justice sur le thème de l’« Exécution transfrontière : vers un titre exécutoire africain ? »

Depuis 2008, l’UIHJ organise des rencontres permettant aux huissiers de justice européens et africains de se retrouver en terre africaine. Après le Gabon (2008), le Cameroun (2010), le Togo (2013) et le Sénégal (2016), il revenait au Congo d’accueillir les huissiers de justice des deux continents, autour du thème de l’exécution transfrontière. Les rencontres étaient placées sous le patronage de Son Excellence, Denis Sassou-Nguesso, président de la République du Congo. Elles ont permis aux représentants de dix-neuf pays d’Afrique et d’Europe, de l’Ohada, de l’Ersuma et de la Conférence de La Haye de droit international privé, de discuter de l’intérêt pour les institutions, les citoyens, les investisseurs et les acteurs économiques, d’introduire un titre exécutoire qui faciliterait l’exécution transfrontière des décisions de justice en Afrique, notamment dans la zone Ohada.
Près de 300 participants, huissiers de justice, professeurs d’universités, juristes d’entreprises, de 19 pays ont participé aux travaux au Centre de conférences internationales de Kintélé (Bénin, Belgique, Burkina Faso, Congo, Cameroun, Côte-d’Ivoire, Espagne, France, Gabon, Guinée Conakry, Mali, Niger, Pays-Bas, République démocratique du Congo, Fédération de Russie, Sénégal, Tchad, Togo et Zambie). Les organisations internationales suivantes étaient représentées et sont intervenues à Kintélé : la Conférence de La Haye de droit international privé, l’Ohada, l’Ersuma et l’Union africaine des huissiers de justice (UAHJ). Le Bureau de l’UIHJ était représenté par une forte délégation conduite par son président, Marc Schmitz. Ces rencontres ont été aussi honorées par la présence de deux présidents honoraires de l’UIHJ, Jacques Isnard et Françoise Andrieux, dont la présence a été chaleureusement saluée.
Prélude auxdites rencontres, l’Unité de formation des huissiers de justice africains (Ufohja) et l’UIHJ, en partenariat avec l’Ecole régionale supérieure de la magistrature de l’Ohada (Ersuma), ont organisé le 11 juin 2019 à l’intention des huissiers de justice et juristes d’entreprises africains, dans la salle des conférences du Ministère de la justice, des droits humains et de la promotion des peuples autochtones, un séminaire de formation intitulé « Immunités d’exécution dans l’espace Ohada ». Ce séminaire a été co-animé par le professeur Mayatta Ndiaye Mbaye, directeur général de l’Ersuma, Jean Michel Rouzaud, président de l’Ecole nationale de procédure de Paris (ENP), et Rigobert Ndalou, huissier de justice à Dolisie (Congo).
Lors de la cérémonie d’ouverture, animée par Jean-Fernand Makosso, huissier de justice à Brazzaville, les autorités congolaises étaient représentées par le premier président de la Cour suprême du Congo, le procureur général près la Cour suprême du Congo, et de conseillers du président de la République du Congo et du premier ministre de la République du Congo. Dans son discours d’ouverture, Jean-Didier Bidié, président de la Chambre nationale des huissiers de justice du Congo, a souhaité la bienvenue au Congo à tous les participants venus des 19 pays participants, ainsi qu’aux représentants des organisations et institutions internationales. Jean-Didier Bidié a mentionné les objectifs des Rencontres Afrique Europe des huissiers de justice en remerciant vivement le président de la République, Denis Sassou-Nguesso, de son indéfectible soutien tout au long des travaux préparatoires. Il a rappelé que l’idée d’un titre exécutoire africain avait été présentée pendant le 21e congrès international des huissiers de justice de Cape Town (Afrique du Sud) en 2012. Il a insisté sur la pertinence d’une telle idée dans les 17 pays de la zone Ohada, gage de confiance et de sécurité juridique. Il a enfin souhaité à tous un séjour agréable en terre congolaise à tous les participants.
Marc Schmitz, président de l’UIHJ, a constaté que l’intérêt suscité au plus haut niveau par les 5es Rencontres Afrique Europe des huissiers de justice témoigne que la justice et l’exécution des décisions de justice en République du Congo sont au cœur des préoccupations nationales. Il a rappelé les thèmes et recommandations des précédentes rencontres en déclarant que des recommandations seraient à nouveau soumises à l’approbation des participants à issue des travaux. Il a confirmé que, force de proposition depuis plus de 67 ans, l’UIHJ entend mettre toute son expertise à la recherche de solutions adaptées et réalistes pour permettre la création d’un titre exécutoire africain dont la légitimé n’est plus à prouver. Il a souligné qu’en Europe comme en Afrique, les huissiers de justice sont aujourd’hui de véritables partenaires des décideurs politiques dans la réflexion sur le rapprochement des législations nationales relatives aux professionnels et aux procédures d’exécution. Depuis le milieu des années quatre-vingt-dix, l’UIHJ a souhaité étendre son influence sur le continent africain. L’objectif a été atteint au-delà de toute espérance puisque 28 des 90 pays membres de l’UIHJ sont africains. La profession progresse sur ce continent, année après année. Il a insisté sur l’importance des nouveaux enjeux qui allaient bouleverser la profession d’huissier de justice dans les années à venir et a rappelé, à ce titre, l’importance de rester unis autour de l’UIHJ, l’une des organisations juridiques internationales les plus importantes en termes de pays membres. Puis, le président de l’UIHJ a souhaité respecter une minute de silence à la mémoire de Pierre Adjo, huissier de justice en Côte d’Ivoire, décédé en mai 2019 des suites d’une violente et abjecte agression pendante une opération d’exécution, malgré la présence des forces de l’ordre. Il a assuré sa famille et ses proches de l’entier soutien de l’UIHJ et a annoncé que l’UIHJ avait décidé de décerner à Pierre Adjo la médaille d’or de l’UIHJ, à titre posthume, remise aussitôt au représentant de la Côte d’Ivoire. Après avoir remercié le président Bidié pour la parfaite organisation des 5es rencontres Afrique Europe, il a souhaité à tous les participants de fructueux travaux.
Claude Nsilou, ministre d’Etat, ministre du Commerce, des Approvisionnements et de la Consommation de la République du Congo, a salué l’ensemble des participants et leur a souhaité la bienvenue et un bon séjour à Brazzaville. Il a souligné tout l’intérêt que portent les autorités congolaises avec, à sa tête, le président de la République, à la bonne exécution des décisions de justice. Il a observé que le thème des rencontres allait contribuer à son renforcement, dans la droite ligne des objectifs de l’Ohada, et a souhaité un bon succès aux travaux.
Ces 5es Rencontres Afrique Europe des huissiers de justice se sont articulées en deux parties, à savoir, « l’exécution transfrontière hors espace judiciaire communautaire », d’une part, et « l’exécution transfrontière dans un espace judiciaire communautaire: vers un titre exécutoire africain? », d’autre part. S’il est vrai que l’Ohada fait la fierté de l’Afrique, saluée par d’autres continents, que l’UIHJ est dorénavant devenue l’une de ses partenaires techniques et a noué des liens étroits avec l’Ersuma, il n’en demeure pas moins que, pour continuer à nourrir cette volonté et cette ambition de voir des titres exécutoires exempts de toute impasse, les pays africains devraient se soustraire d’une partie de leur souveraineté au profit des lois communautaires africaines et d’ailleurs. Aussi, les titres exécutoires dans l’espace Ohada devraient entièrement prendre corps dans les systèmes judiciaires des Etats Africains. Ce serait là une avancée considérable, à n’en point douter.
Les travaux ont été brillamment introduits par Natalie Fricero, professeur des universités (France), membre du Conseil supérieur de la magistrature de France et membre du Conseil scientifique de l’UIHJ. Avec le dynamisme qu’on lui connaît, le professeur Fricero a fixé un cadre aux travaux, en évoquant les notions de titre exécutoire en droit international privé et les aspects du droit concernés, en soulignant l’intérêt et les conditions d’une harmonisation des titres exécutoires au plan régional et mondial.
Pendant deux jours, les travaux se sont succédé autour des deux sous-thèmes, en s’appuyant sur les sources internes et internationales, européennes et africaines. Le premier atelier, concernant les sources internes, était modéré par Marcellin Comlan Zossoungbo, président de la Chambre nationale des huissiers de justice du Bénin. Il s’agissait d’évoquer les principes de reconnaissance des titres étrangers en droit interne et d’en préciser les critères de convergences ainsi que les différents aspects du droit. La table ronde était composée de Frank Maryns, président de la Chambre nationale des huissiers de justice de Belgique, Bedel Kamba, notaire à Brazzaville, Henri Mosengo Waya, président de la Chambre nationale des huissiers de justice de la République démocratique du Congo, Luis Ignacio Ortega Alcubierre, vice-président de l’UIHJ (Espagne), Patrick Safar, vice-président de la Chambre nationale des huissiers de justice de France, membre du bureau de l’UIHJ, Adama Dia, président de la Chambre nationale des huissiers de justice du Sénégal, et Alain Ngongang Simé, président de l’UAHJ.
Le panel relatif aux sources internationales et aux instruments internationaux était modéré par Françoise Andrieux, président honoraire de l’UIHJ. Christophe Bernasconi, secrétaire général de La Conférence de La Haye de droit international privé, a présenté les instruments de son organisation, notamment la Convention de La Haye de droit international privé du 15 novembre 1965 sur la signification transfrontière des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile et commerciale, ainsi que la future convention sur les jugements, dont les travaux touchent à leur terme (adoptée fin juin 2019). M. Bernasconi, qui participe régulièrement aux manifestations organisées par l’UIHJ, a une fois de plus regretté qu’à ce jour seulement 6 pays africains soient membres de la Conférence de La Haye de droit international privé (Afrique du Sud, Burkina Faso, Egypte, Maroc, Tunisie et Zambie), en souhaitant que l’Afrique puisse adhérer en nombre, afin de garantir une meilleure application du droit international privé sur le plan mondial. A l’image de la Convention de La Haye du 15 novembre 1965, l’espace Ohada pourrait se doter, en s’inspirant du Traité, d’un mécanisme de signification et de notification des actes dans un système communautaire allégé. Par ailleurs, nombreux pays n’ont pas encore ratifié cette convention. Là également, il va de la volonté des Etats de mettre en route ces mécanismes qui faciliteraient, sûrement, et alors avec plus d’efficacité, la transmission des actes et donc l’accélération des procédures d’exécution.
Rosine Bogoré Zongo, présidente de la Chambre nationale des huissiers de justice du Burkina Faso, a présenté la Convention de New York du 20 juin 1956 sur le recouvrement des aliments à l’étranger. Jos Uitdehaag, secrétaire du bureau de l’UIHJ (Pays-Bas), a évoqué la Convention de New York du 10 juin 1958 pour la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales étrangères. Enfin, Mohamed Mouctar Sylla, secrétaire général de la Chambre nationale des huissiers de justice de Guinée, a décrit les différentes juridictions internationales.
Françoise Andrieux a poursuivi sa fonction de modérateur en animant la table ronde concernant les instruments au niveau régional et bilatéral : Convention de Minsk du 22 janvier 1993 relative à l’entraide judiciaire et les relations judiciaires en matière civile, familiale et pénale, Convention de Lugano du 16 septembre 1988 concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matières civile et commerciale, Cour de Justice Benelux (jurisprudence en matière d’astreinte), ainsi que les instruments bilatéraux en matière de reconnaissance mutuelle des titres exécutoires. La table ronde réunissait Jos Uitdehaag et Vladimir Voronin, vice-huissier de justice en chef de la Fédération de Russie, vice-directeur du Service fédéral des huissiers de justice de la Fédération de Russie, qui ont pu faire part de leur expérience dans ce domaine.
Le second sous-thème de la conférence, « L’exécution transfrontière dans un espace judiciaire communautaire : vers un titre exécutoire africain ? », a été introduit par Jérôme Okemba Ngabondo, huissier de justice à Brazzaville. Il a notamment insisté sur l’intérêt de la création d’un titre exécutoire, considérant que les idées développées lors du 21e congrès international des huissiers de justice de Cape Town en 2012 étaient plus que jamais d’actualité.
Le premier atelier, modéré par Rémy Eklou Jawo, président de la Chambre nationale des huissiers de justice du Togo, s’intéressait à la circulation transfrontière des titres obtenus conformément à une législation nationale, d’abord en Europe, puis en Afrique. S’agissant de l’Europe, Guillaume Payan, maître de conférences HDR à l’université de Toulon (France), directeur de la Cellule juridique de l’UIHJ, a successivement évoqué les spécificités relevant des traités communautaires et des moyens d’actions disponibles, puis les règlements de reconnaissances et d’exécution des décisions : titre exécutoire européen, règlement Bruxelles I bis, règlement Bruxelles II bis, règlements sur les obligations alimentaires, les successions, le partenariat enregistré, les régimes matrimoniaux, le règlement insolvabilités, ou encore les mesures de protection. Concernant l’Afrique, les thèmes abordés concernaient la procédure d’exequatur, les spécificités des espaces judiciaires Ohada et Uemoa, et le titre exécutoire hors acte uniforme sur l’exécution. Cette table ronde réunissait Alexis Ndzuenkeu, chef du service des Affaires juridiques et de la communication du Secrétariat permanent de l’Ohada, Mayata Ndiaye Mbaye, directeur général de l’Ersuma, Samuel Ename Nkwane, président de la Chambre nationale des huissiers de justice du Cameroun, Hervé Dembelé, vice-président de la Chambre nationale des huissiers de justice de Côte d’Ivoire, et Boubacar Diallo, président de la Chambre nationale des huissiers de justice du Mali.
La seconde partie, modérée par Mathieu Chardon, 1er vice-président de l’UIHJ, abordait la question de la circulation transfrontière des titres obtenus conformément à une législation communautaire, en Europe, puis en Afrique. La table ronde a permis à Natalie Fricero de présenter les grandes lignes des divers règlements européens constituant des titres exécutoires autonomes (injonction de payer européenne, règlement sur les petits litiges, et saisie-conservatoire européenne des avoirs bancaires, et d’en constater leur efficacité en Europe. S’agissant de l’Afrique, Florentin Mba Menie, président de la Chambre nationale des huissiers de justice du Gabon, Amadou Tanimouddari, président de la Chambre nationale des huissiers de justice du Niger, Djerandoh Boukar Ozias, huissier de justice (Tchad), Pumulo Kalaluka Mubita et Claudia Luswili, magistrates (Zambie), ont pu successivement évoquer les espaces Ohada et Uemoa, et les autres zones régionales comme la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC).
En conclusion des travaux, Jérôme Okemba Ngabondo a à nouveau souligné l’intérêt pressant de travailler à la mise en place d’un titre exécutoire africain, à commencer par l’espace Ohada, qui pourrait concerner un titre exécutoire général pour les décisions obtenues conformément au droit national, mais également une injonction de payer africaine, une injonction africaine de délivrer ou restituer, ou encore une ordonnance africaine de saisie-conservatoire. A la suite de sa présentation, il a donné lecture des recommandations préparées dans le cadre des travaux, lesquelles ont été adoptées par l’ensemble des chefs de délégation.
Les travaux ont été clôturés par une cérémonie officielle au cours de laquelle Jean-Didié Bidié, Marc Schmitz et Bruno Itoua, ministre de l’Enseignement supérieur de la République du Congo, ont tour à tour adressé leurs remerciements aux participants, salué la parfaite organisation des 5e Rencontres Afrique Europe des huissiers de justice et l’accueil exceptionnel réservé à chacun, et souhaité à tous une bonne fin de séjour à Brazzaville.
Un somptueux dîner de gala a été offert le soir par la Chambre nationale des huissiers de justice de Congo. Le 14 juin 2019, une cérémonie de plantation de la forêt souvenir des 5es Rencontres Afrique Europe des huissiers de justice a eu lieu à Bambou-Mingali, en partenariat avec le Programme national d’afforestation et de reboisement (Pronar), suivie d’une ballade en musique sur le majestueux fleuve Congo.
Recommandations de Brazzaville
Recommandation 1
Rappelant que la confiance mutuelle est la condition nécessaire à la libre circulation des titres exécutoires entre Etats ;
Rappelant que cette confiance mutuelle est prise en considération dans le traité de l’Ohada ;
Considérant la mondialisation des échanges commerciaux et l’accroissement constant des transactions transfrontières,
Considérant que seule une libre circulation transfrontalière des titres exécutoires permet le développement économique et social, garantit la sécurité juridique et par conséquent les droits des investisseurs ;
Considérant que la création d’un titre exécutoire transfrontière s’inscrit parfaitement dans la stratégie développée au niveau mondial par la Conférence de La Haye de droit international privé ;
Nous, participants aux 5es Rencontres Afrique Europe des huissiers de justice,

Recommandons la création d’un titre exécutoire africain.

Recommandation 2
Considérant que les huissiers de justice sont devenus de véritables partenaires des décideurs politiques dans la réflexion sur le rapprochement des législations nationales relatives aux professionnels et aux procédures d’exécution ;
Nous, participants aux 5es Rencontres Afrique Europe des huissiers de justice,
Recommandons que les chefs de délégations des Etats membres de l’UIHJ et de l’Ohada assurent la promotion de la création d’un titre exécutoire africain auprès de leur ministère de la justice respectif.
Recommandation 3
Considérant l’action permanente de l’UIHJ pour l’amélioration et la simplification de l’exécution des titres exécutoires, particulièrement dans le cadre du partenariat technique avec l’Ohada ;
Nous, participants aux 5es Rencontres Afrique Europe des huissiers de justice,
Recommandons à l’UIHJ de coopérer à la mise en œuvre d’un titre exécutoire africain.
Fait à Brazzaville (République du Congo), le 13 juin 2019